À un an de la Coupe du Monde sur son sol, l’équipe russe inquiète la presse nationale, les observateurs et même le président Vladimir Poutine. La Russie n’a plus passé les phases de poules d’un Mondial depuis 1986, du temps de l’URSS. L’équipe n’en finit plus de perdre et de se morfondre. Après un début d’année 2017 plutôt intéressant, le sélectionneur Cherchesov comptait sur la Coupe des Confédérations pour lui donner une nouvelle impulsion.
Peine perdue puisque, outre de pieux mensonges diffusés dans la presse, son équipe a encore une fois été sortie au premier tour. Pourquoi une nation de plus de 145 millions d’habitants n’arrive-t-elle pas à avoir une équipe nationale correcte ? Retour aux racines du mal.
La fin de l’ère Capello et la russification de l’équipe nationale
Fabio Capello, qui a été le sélectionneur de la Sbornaia pendant 3 ans, a été remplacé par Leonid Sloutski en 2015. Ce changement signait la fin de l’ouverture à des sélectionneurs étrangers. Rappelons que de 2006 à 2010, la Russie a fait confiance à Guus Hiddink et à Dick Advocaat. Avec l’éviction de Capello, le message de la fédération était clair : russifier l’encadrement à 3 ans de la Coupe du Monde et monter une équipe sans influence extérieure, jouant un football qui véhicule les valeurs nationales.
L’intention était louable. Mais dans les faits, c’est un désastre. Le seul fait d’armes notable de la Russie, depuis la chute de l’URSS, a été une demi-finale à l’Euro 2008, sous les ordres de Guus Hiddink. Capello, en 3 ans à la tête de la Sbornaïa, a affiché un taux de victoire de 51.5 %, moins bien que Hiddink (56.4 %), mais bien mieux que la majorité des sélectionneurs qui se sont succédés depuis la chute de l’Union Soviétique. Seul Romantsev (1994-1996 avec 68 % de victoire et 1999-2002 avec 54.3 % de victoire) et Sadryn (1992-1994 avec 52.2 % de victoire) ont fait mieux que Capello et Hiddink. Sloutski émarge à 46.15 % de victoire et Cherchesov à 33.33 %.
2017, une année pré-Coupe du Monde en trompe l’œil
En matchs amicaux, la Russie a commencé l’année 2017 sur une embellie. Après une défaite 0-2 face à la Côte d’Ivoire, elle a tenu tête à la Belgique (3-3) et au Chili (1-1), futur finaliste de la Coupe des Confédérations. Entre temps, la Sbornaïa avait battu la Hongrie, l’une des révélations de l’Euro 2016. Avec de tels résultats, les Russes abordaient la Coupe des Confédérations avec un moral au beau fixe. La folle aventure de l’Euro 2008 commence à refaire surface.
Le premier match leur a donné raison. Le pays hôte s’est imposé 2-0 face à la Nouvelle-Zélande. Lors de la deuxième rencontre, les hommes de Cherchesov se sont courtement incliné 0-1 face au Portugal après avoir fait jeu égal durant toute la deuxième période. Au troisième round, ils se sont inclinés 2-1 face au Mexique après avoir pourtant ouvert le score. En deuxième période, les Russes ont vu rouge. Zhirkhov s’est fait exclure et l’équipe a quitté la compétition sans avoir véritablement convaincu.
Avant le tournoi, Cherchesov déclarait dans le Monde : « L’équipe vit un changement générationnel ». Mensonge. La quasi-intégralité des joueurs qui ont foulé la pelouse de la Coupe des Confédérations avait plus de 25 ans (à part Golovin qui en avait 21) : Akinfeev (31 ans), Chichkine (30 ans), Smolinkov (28 ans), Kombarov (30 ans), Zhirkov (33 ans), Samedov (33 ans), Glushakov (30 ans), Poloz (26 ans), Smolov (27 ans) et Bukharov (32 ans). Cette équipe n’a pas changé depuis au moins l’Euro 2012. A l’Euro 2016, Sloutski avait présenté une liste avec très peu de jeunes. Il n’y a donc aucune transition puisqu’il n’y a aucun jeune à qui l’on fait confiance.
Pourquoi la Russie a-t-elle autant de difficultés ?
Le pays est confronté à un problème de qualité, tant au niveau de la formation qu’au niveau de son management. Comme l’Angleterre. Les seules clubs russes qui réussissent sur la scène internationale sont entraînés par des étrangers et ont une grande majorité de joueurs étrangers dans leurs rangs. Ces équipes-là jouent donc un football européen.
Deuxième élément : les joueurs ne s’exportent pas. Prenons l’exemple de l’Islande, qui a crevé l’écran à l’Euro 2016. Le pays, pour sortir de l’ornière, a décidé d’investir dans la formation et a fait partir ses meilleurs éléments en Europe, là où le niveau est meilleur. De plus, le pays a investi dans des structures couvertes de type futsal pour développer la technique des jeunes joueurs et ainsi s’aligner sur les standards européens. Les Russes, à l’instar des Anglais, n’ont pas suivi cet exemple. Résultat : l’équipe nationale joue un football consanguin, physique plutôt que technique, typique du kick & rush des années Gascoigne et Shearer.
Les mauvaises langues diront : tu n’as pas connu l’URSS. L’équipe écrasait tout sur son passage. La formation soviétique avait de la valeur. Pourquoi ce n’est plus le cas ? Pour une raison simple : l’équipe soviétique a toujours été portée à bout de bras par les Ukrainiens, et non par les Russes. Les meilleurs buteurs ? Oleg Blokhine et Oleg Protasov. Le plus capé ? Oleg Blokhine encore. Le meilleur coach, celui dont tout le monde se souvient ? Lobanovski. L’Ukraine a une culture de la formation, chose que n’ont pas les Russes, qui appliquent aveuglément un management post-soviétique. Ce n’est évidemment pas la seule raison, mais cela explique pourquoi l’Ukraine, qui a 50 fois moins d’habitants, a une équipe de bien meilleure facture et arrive à sortir des joueurs de pointure internationale.